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Décembre
Immunité et nutrition : ce que vous pouvez faire pour l’intestin des animaux. Le Mans, le 7 décembre 2016
Compte rendu

Le 7 décembre au Mans, l’amphi C du Palais des Congrès était comble pour la première session consacrée à la relation entre immunité et nutrition, ce qui témoigne de l’importance pour la nutrition animale de la santé digestive mais, au delà, la santé de l’animal. Cette session a été co-organisée par deux administrateurs de l’Aftaa, René Vallet et Ludovic de Meeus, épaulés par Yanne Boloh. Le but était de fournir aux participants des bases scientifiques pertinentes dans le domaine de l’immunité intestinale. Elles leur permettront de faire le tri dans les discours quelques fois simplistes des fournisseurs de solutions. Elles leur permettront également d’objectiver leurs démarches. Pour certains, ce sera donc l’occasion de remettre à jour leurs connaissances en matière d’immunité et de l’influence de la nutrition sur son expression et sa modulation. 

Delphine Le Roux (maitre de conférence en immunologie, Ecole nationale vétérinaire de Maison Alfort): le système immunitaire mucosal (GALT : Gut Associated Lymphoid Tissue) est associé à la muqueuse (paroi) intestinale.  La muqueuse intestinale est à la fois une barrière qui protège et une barrière qui permet une communication extraordinairement sophistiquée entre lumen intestinal (milieu de l’intestin) et le lamina propria (intérieur du corps sang).  Par toute une série de mécanismes le système immunitaire intestinal est informé de ce qui se passe à l’intérieur de l’intestin.  Avec cette information il agit sur ce milieu en produisant des anticorps soit pour conduire une flore ou bien en préparation à une infection.  Plusieurs acteurs se partagent cette chaine de commandement.  Les cellules dentritiques sont comme des sondes qui identifient les antigènes et transmettent des informations.  Les Lymphocytes sont des cellules qui produisent les immunoglobulines (IG).  Les IGM, G ou A sont des protéines (immunoglobulines) que nous appelons anticorps qui sont les tueurs de bactéries ou d’autres infections.  Cette mécanique complexe assure l’homéostasie intestinale en contrebalançant des effets pro et anti-inflammatoire. C’est grâce à lui que l’intestin parvient à faire la différence entre un antigène de l’alimentation et un antigène pathogène. La tolérance immunitaire est en effet nécessaire et le jeune l’apprend peu à peu, même s’il existe, comme pour les allergies alimentaires, des ruptures de tolérance.

Corinne Grangette (directeur de recherche, équipe bactéries lactiques et immunité des muqueuse CNRS/Institut Pasteur de Lille) – La flore intestinale (microbiote) joue un rôle essentiel dans l’immunité et avec plus de 1.000 espèces est considéré comme un organisme à part entière.   Le microbiote intervient dans de nombreuses régulations métaboliques telles que la glycémie et l’obésité. La démonstration de l’action de la flore est faite en ensemencement des souris axéniques (sans flore) avec des flores spécifiques et qui transforment le métabolisme de la souris réceptrice.  S’implantant à la naissance, le microbiote peut être très différent d’un individu à un autre.  Une fois implanté il est très stable.   La diversité de la fore est un élément majeur de santé.  Cette diversité est la conséquence directe de la naissance et des premières « infections ».

Gilles Foucras (professeur de pathologie des ruminants, Ecole nationale vétérinaire de Toulouse et responsable d’une équipe de recherche au sein de l’UMR Inra/ENVT : « interactions hôtes-agents pathogènes ») –Nutrition et immunité sont très intrinsèquement liés. Ce que l’animal consomme peut influencer sa capacité de répondre à une infection. Dans la période juste après le vêlage, les vaches laitières ont une inflammation systémique de plusieurs origines qu’elle soit digestive ou liée à l’inflammation du tractus génital et de la glande mammaire. L’alimentation est susceptible de moduler cette inflammation non seulement durant la période à risque, mais aussi durant les périodes précédentes : la période sèche bien sûr, mais aussi la lactation précédente. Les rations acidogènes, l’insuffisance des apports énergétiques et l’hypocalcémie subclinique accroissent les risques d’inflammation.

Elodie Merlot (chargée de recherche dans l’unité Physiologie, environnement et génétique pour l’animal et les systèmes d’élevage, Inra de Rennes) – La présentation des réponses métaboliques de l’animal en inflammation (c’est à dire malade). Cette réponse a un cout métabolique en terme d’énergie et de protéines alors que l’animal malade diminue son ingestion. Certains acides aminés semblent impliqués mais en fonction des situations rencontrées par l’animal, ce ne sont pas toujours les mêmes acides aminés qui deviennent limitant. C’est encore un peu tôt pour émettre des recommandations précises.

David Bravo (chief innovation officer de Pancosma) – Il est possible d’actionner des leviers nutritionnels pour modifier les réponses immunitaires. Précisément, nous pouvons reconsidérer le rôle de l’intestin comme organe cardinal de l’immunité animale. L’intestin est un organe sensoriel intelligent : il détecte son environnement, il analyse l’information et répond lui même ou en transmettant l’information à un autre organe. ON peut par des mécanismes physiologiques affecter l’immunité et améliorer le bien être, la santé et la productivité des animaux d’élevage.

Fabrice Robert (responsable du service R&D du groupe CCPA) – Le stress oxydatif est indissociable de l’immunité innée des animaux car l’inflammation est une des réponses de l’organisme. La nutrition a un rôle majeur à jouer car les principaux antioxydants sont apportés par la voie alimentaire. Mais un animal suffisamment pourvu ne doit pas en recevoir en trop au risque de bloquer sa réponse immunitaire. Le ciblage des apports peut se faire car les phases de stress intenses qui génèrent du stress oxydatif sont connues : sevrage, postpartum, allottement notamment.  Les nutritionnistes et les pathologistes doivent travailler main dans la main pour actionner ces leviers dans la lutte contre l’antibio-résistance.

Martine Cottin  (Dr vétérinaire à la Cafel, coopérative agricole des fermiers de Loué) –La coopérative des fermiers de Loué a décidé en 2000 de se passer d’anticoccidiens pour tous les élevages de poulets fermiers. Ce n’est pas toujours facile comme l’ont montré le deux – trois premières années car l’effort est quotidien d’autant que la suppression de ces molécules a fait émerger une nouvelle pathologie, l’entérite nécrotique. La Cafel conduit depuis 15 ans la moitié des lots en vaccination, l’autre moitié en phytothérapie avec le même taux de réussite dans les deux cas. La maîtrise de l’équilibre alimentaire, une stratégie de prévention (vaccination ou phytothérapie) ainsi que le suivi très proche des animaux par les éleveurs pour identifier les tous premiers signes sont les trois points clés de succès.


Présentation de la journée Immunité et Nutrition
Delphine Le Roux
Corinne Grangette
Gilles Foucras
David Bravo
Fabrice Robert
Martine Cottin