Spécialiste des formations
en alimentation et productions animales
02
Mars
FILIÈRES OVINES LAIT ET VIANDE : de récents développements techniques pour offrir de nouvelles opportunités.
Compte rendu

Pour la première fois, l’Aftaa a consacré une journée à la production ovine, dans ses deux dimensions, viande et lait, le mercredi 2 mars à Toulouse. L’association organise en effet une session annuelle consacrée aux matières premières, une autre également annuelle, dédiée aux vaches laitières et elle a par le passé organisé des journées sur la chèvre, la volaille de chair et le porc. Elle poursuit donc afin de couvrir tout le spectre des productions animales.

Trois administrateurs de l’Aftaa se sont particulièrement impliqués dans l’organisation de cette session : René Vallet, Jean-Yves Picot, Alain Dovergne.

 

L’alimentation des ovins représente, hors mash, une production nationale de près de 400 000 t (397 101 t en 2015), en progression de 5,38% après une croissance de 1,88% en 2014 selon les données statistiques diffusées par le Snia et Coop de France nutrition animale. Elle revient donc au niveau de 2010 après plusieurs années de baisse. La part de fourrages domine largement l’alimentation ovine française (70/30) contrairement au modèle espagnol beaucoup plus intensif (30% fourrage/70% de concentrés).

Pourtant, la production française de viande ovine est sinistrée comme sa consommation. Mais la production laitière se maintient voire trouve des diversifications.

Chercheurs et opérateurs de la nutrition animale pointent l’importance de ne pas prendre la brebis pour une petite vache et de développer une recherche spécifique. Les opérateurs de l’aval insistent quant à eux sur le travail à faire avec les éleveurs en matière non seulement de rationnement mais aussi de conduite d’élevage afin que le secteur puisse exprimer son potentiel et répondre aux attentes des consommateurs (exemple du gras ferme et blanc pour la viande d’agneau), voire parte à la reconquête des Français. En effet, une enquête de 2014 a montré que 76% des consommateurs ont plus de 50 ans. La viande ovine a un urgent besoin de se refaire une place dans les assiettes et, donc, dans les rayons. Plusieurs acteurs comme Unicor et Arterris travaillent ainsi avec les organismes de R&D dans le cadre du projet Oviboost pour rompre la spirale infernale.

Enfin, le secteur s’implique également dans la lutte contre l’antibiorésistance en cherchant le moyen de réduire le recours aux antiparasitaires, notamment via des méthodes alternatives comme la sélection génétique d’ovins résistants aux helminthes.

Marie Carlier. Service économie. IDELE

Le marché européen de la viande ovine est en quête d’une nouvelle dynamique avec d’une part les agneaux lourds issus du troupeau allaitant et les agneaux légers issus du troupeau laitier. Dans l’UE, entre 60 et 80% du troupeau ovin est situé dans des zones défavorisées selon les pays et constitue une des seules manières de valoriser ces territoires. Mais si l’UE dans son ensemble est autosuffisante à 85%, deux groupes de pays se distinguent : l’un excédentaire (Irlande et sur Royaume Uni en tête suivi de l’Espagne et de la Roumanie) et l’autre très déficitaire (Allemagne et surtout France). Dans l’Hexagone, si le troupeau laitier se maintient grâce à la bonne valorisation des fromages voire de belles diversifications (nouvelle usine de Triballat en Lozère, développement de Petit Basque en Gironde), le troupeau allaitant connaît une forte décroissance.

Pr Gérardo Caja. Université autonome de Barcelone

Il existe une grande différence entre la nutrition de la vache laitière et celle de la brebis laitière, tant au niveau de la concentration énergétique (1 litre : 2 UF) que des supplémentations en lipides. Les éleveurs espagnols parviennent à des situations économiques confortables en pratiquant des systèmes très intensifs (marge 11,8%). Ils descendent à 40% de fourrages ce que les chercheurs pensaient impossible. La taille des particules est un point clé, même si les animaux n’aiment pas consommer les plus grosses particules. Le comportement alimentaire varie nettement d’une race à l’autre.

Joël Le Scouarnec. In Vivo NSA

Dans un contexte règlementaire mouvant, il est capital de ne pas oublier la technique.

Historiquement le groupe InVivo NSA travaille en partenariat avec des structures telles que le LPA St Affrique en brebis laitières. Il peut suivre 4 à 8 lots contemporains ce qui est difficile à faire dans d’autres espèces comme la vache laitière. Les 100 premiers jours de la lactation sont ceux de l’efficacité laitière sur lesquels il est donc essentiel de concentrer ses efforts : le temps perdu ne se rattrape plus. IL existe un certain nombre de leviers à actionner pour aller chercher le pic. Le niveau d’ingestion est l’un des facteurs clés de succès.  Outre l’innovation en protéines(inutile par exemple de dépasser les 350 PDI), la R&D nutrition propose aussi des solutions face au parasitisme, notamment les coccidies.

Laurence Sagot. IDELE

L’élevage ovins est confronté à trois grands enjeux : L’augmentation du prix des protéines qui impose de valoriser au mieux les ressources disponibles, notamment le pâturage et les fourrages stockés, la production de carcasses répondant aux critères de qualité (poids, état d’engraissement, couleur et tenue du gras…) ainsi que la production d’agneaux toute l’année y compris à l’herbe. L’intérêt économique des agneaux nés en été et finis sur dérobés sans concentrés reste à préciser. Les essais se poursuivent à l’Idele en 2016 et 2017.

Aline Multon. Lactalis Feed

En tant normal, les agneaux sont allaités sous la mère jusqu’à 4 semaines. Toutefois, l’allaitement artificiel avec séparation des agneaux des mères dans les 12h après la naissance augmente de 30 à 40% la quantité de lait trait par brebis. Surtout cantonné jusqu’à présent aux agneaux surnuméraires dans les races prolifiques et aux agneaux orphelins, les aliments d’allaitement pourraient donc s’inscrire dans une stratégie de productivité. Pour cela, le respect des règles d’hygiène est essentiel.

Philippe Jacquiet. Ecole Nationale Vétérinaire Toulouse

Les contraintes règlementaires (révision des délais d’attente notamment) et la nécessaire limitation des usages des produits médicamenteux en raison de la montée des résistances des parasites à leurs molécules actives imposent de trouver de nouvelles voies de lutte contre les parasites. Certaines exploitations se retrouvent dans une impasse. Outre la rationalisation des traitements, réservés aux animaux qui en ont objectivement le plus besoin, la voie génétique est explorée. La capacité de résister aux effets néfastes des parasites est plus héritable que la résilience c’est-à-dire la capacité d’un animal à maintenir sa production malgré l’infestation. L’ENV Toulouse travaille sur la voie male avec trois organismes de sélection. 500 béliers ont déjà été phénotypés.

Gilles Lagriffoul. IDELE

Il est difficile de séparer l’effet race de l’effet bassin de production tant les races de brebis sont attachées, en France à un bassin (Roquefort, Corse et Pyrénées Atlantiques). Il existe encore peut de connaissances sur la structure du lait (par exemple la taille des miscelles), la flore du lait et les caractéristiques des fromages. Mais les progrès sont sensibles : le gain génétique annuel s’établit sur les quinze dernières années à +0,16 g/l en TP et +0,2 g/l de TB sur des brebis dont le niveau de production a été multiplié par deux

Jean Pierre Cambefort. Unicor

En engraissement, 80% des résultats techniques sont liés aux éleveurs. L’OP qui commercialise plus de 413 000 ovins par an ales accompagne techniquement. Ainsi, si les agneaux doivent disposer de 4 cm de longueur à l’auge pour pouvoir s’alimenter normalement, une trop grande longueur va, via une surconsommation, dégrader les performances.  La priorité est d’obtenir des lots homogènes. L’évolution des marchés (prix excessif des agnelets, faible prix des agneaux engraissés, dégradation des prix des peaux), rend d’autant plus cruciale la performance technique.

Coralie Chaumeny. SVA Jean Rozé.

SVA Jean Rozé abat environ 285000 agneaux par an, pour alimenter les boucheries des magasins Intermarché et Netto. EN moins de dix ans, cette filiale AgroMousquetaires a basculé d’un achat de carcasses calibrées d’importation à l’agneau français. Pour répondre aux demandes de ses bouchers, très exigeants sur la qualité des carcasses, l’entreprise travaille avec ses apporteurs (coopératives, négociants, éleveurs), sur l’impact des conditions d’élevages et de l’alimentation, notamment sur le gras.


Présentation de la session par René Vallet
Marie Carlier. Service économie. IDELE
Pr Gérardo Caja. Université autonome de Barcelone
Joël Le Scouarnec. In Vivo NSA
Laurence Sagot. IDELE
Aline Multon. Lactalis Feed
Philippe Jacquiet. Ecole Nationale Vétérinaire Toulouse
Gilles Lagriffoul. IDELE
Jean Pierre Cambefort. Unicor
Coralie Chaumeny. SVA Jean Rozé.